Un rapport qui doit conduire à recapitaliser EDF
Puisque la Cour des Comptes recommande « une forme de garantie publique » pour l’avenir du nucléaire tout en pointant du doigt la responsabilité de l’État, l’Alliance CFE UNSA Énergies demande au Gouvernement de rapidement recapitaliser EDF afin de restaurer sa structure financière et ainsi lui permettre d’investir massivement dans la transition énergétique et d’ainsi participer pleinement au plan de relance.
Dans son dernier rapport public sur la filière EPR, la Cour des Comptes ne se contente pas de faire le bilan de la filière française de l’EPR, elle considère aussi qu’ « EDF ne peut financer seul la construction de nouveaux réacteurs, et ne pourra plus s’engager sans garanties sur le revenu que lui procurera l’exploitation de ces réacteurs » et qu’ « aucun nouveau projet ne saurait être lancé sans une forme de garantie publique ».
Parce qu’elle a toujours considéré que le nucléaire était une industrie du temps long qui relevait des infrastructures essentielles, l’Alliance CFE UNSA Énergies salue ces conclusions de la Cour : le nucléaire est bel et bien une industrie régalienne de souveraineté et en aucun cas un outil de marché, il doit donc reposer sur un adossement public, aussi bien financier que régulatoire.
Pour autant, cette garantie publique préconisée par la Cour risque de ne pas suffire pour déclencher l’investissement dans le nucléaire si la taxonomie européenne (*) en cours de définition à Bruxelles devait finir par interdire l’accès du nucléaire à la finance durable. C’est pourquoi le Gouvernement doit poursuivre le combat pour que le groupe d’experts sur la taxonomie dédié à la question nucléaire qui vient d’être constitué conclut aussi positivement que rapidement, ne serait-ce que pour éviter la procrastination anti-nucléaire de la Commission.
L’Alliance CFE UNSA Énergies rappelle par conséquent qu’il est impensable qu’au détour de l’édiction de normes européennes, les États-Membres soient in fine entravés dans leur liberté de choisir leurs propres bouquets énergétiques, comme le prévoient pourtant les traités européens, et ce au mépris de l’impératif de sécurité électrique de l’Europe. Car que cela plaise ou non aux idéologues de tous poils, l’analyse du marché européen de l’électricité montre que c’est bien le parc nucléaire français qui assure la sécurité électrique de la « plaque de cuivre européenne ».
Plus important encore, cette garantie publique n’a de sens que si la structure financière d’EDF est suffisamment robuste pour financer et donc engager ces investissements. Dès lors, l’Alliance CFE UNSA Énergies appelle à un véritable renforcement des fonds propres d’EDF. Ce d’autant plus que l’augmentation de capital de 3 Md€ en 2015 a été intégralement absorbée par une charge fiscale liée au réseau de transport et le rachat de Framatome, et s’est donc faite indirectement au profit de l’État sans aucunement servir au renforcement de la structure financière d’EDF.
Dividendes démesurés entre 2005 et 2014, soutien aveugle en 2008 à une acquisition de British Energy surpayée et à une aventure américaine désastreuse sur Constellation, rachat de Framatome imposé à EDF pour limiter l’ardoise de l’État dans le sauvetage d’AREVA, et enfin soutien coupable à une décision précipitée sur le projet Hinkley Point (HPC), la liste des décisions de l’État qui ont pénalisé la structure financière d’EDF est longue.
Comme l’indique la Cour des Comptes, « EDF a décaissé 15,7 Md€ pour l’acquisition de British Energy et devra débourser 16 à 17 Md€ pour les 2 réacteurs d’Hinkley Point (HPC), ce qui pèse lourdement sur sa structure financière ».
Si l’Alliance CFE UNSA Énergies s’était opposée en 2016 à une décision d’investissement précipitée sur HPC, c’est parce que le financement finalement envisagé pour pallier au refus du gouvernement britannique d’accorder une garantie publique attractive et des investisseurs privés de financer ce projet suite au non démarrage de l’EPR français, a exposé les fonds propres d’EDF aux risques du projet. Ce alors même qu’EDF n’avait jamais financé des investissements nucléaires sur ses fonds propres, y compris dans les années 70, et que son bilan n’a jamais été calibré pour financer du nucléaire en fonds propres.
Pire, en précipitant la décision d’investissement dans ce projet britannique, l’État a engagé les fonds propres d’EDF dans le financement d’HPC aux côtés du chinois CGN, désormais sur la liste noire des autorités américaines. En agissant ainsi, l’État a pris le risque d’exposer EDF et son bilan au risque que pourraient représenter les mesures chinoises de représailles dans le cadre des tensions diplomatiques générées par la situation à Hong Kong et le dossier 5G Huawei.
L’Alliance CFE UNSA Énergies considère donc que l’État est lourdement responsable de la dégradation de la structure financière d’EDF, sans parler de décisions qu’il a prises en tant que régulateur et qui ont mis à terre le modèle économique d’EDF, qu’il s’agisse de la mise en place et du maintien mortifère de l’AReNH ou d’une politique tarifaire anti-économique.
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