Où commence le travail de fond ?
Énième rapport sur “le coût caché de l’absentéisme”, qui comme chacun sait, n’a rien de caché puisque les entreprises pourchassent à grand frais les fauteurs de troubles, recherchant comme d’habitude des recettes rapides à bas coût au lieu de s’attaquer au cœur du problème.
Une nouvelle fois, un institut /Think Tank(*) qui rassemble fondamentalement des économistes et dirigeants d’entreprises nous informe que l’absentéisme est évitable et surtout qu’il coûte cher, si bien qu’il est urgent de traiter le problème. La presse économique, de Challenges aux Échos en passant par le Figaro, jusqu’à The Conversation, reprend l’information sans réellement commenter le fond de l’affaire.
Une fois encore, on nous informe que le grand coupable est le management, déficient, inadapté à notre époque, mal formé, perdu dans ses procédures. On nous vante des modèles meilleurs, aux Pays-Bas, en Suède, au Canada, sans s’interroger un instant sur ce qui conduit des sociétés à choisir ces modèles. On fantasme sur l’ailleurs où l’herbe est forcément plus verte, on invoque une méthode scientifique forcément rigoureuse pour poser un diagnostic économique. Hélas, le diable est dans les détails et les charges “plus ou moins fixes” ont de quoi inquiéter le premier lecteur un peu critique.
On pourrait déplorer que les auteurs ne se soient guère renseignés sur le mot travail, se perdent dans la polysémie du mot management, oublient de regarder en dehors de leurs œillères et du prisme de la gestion.
Ou, au contraire, on pourrait se réjouir de ce que, par le biais de l’absence maladie “évitable”, la question du travail commence à envahir la vulgate managériale. On pourrait trouver positif que les entreprises soient contraintes par le portefeuille à revisiter le principe du management par le contrôle a priori ou l’appréciation individuelle des résultats. Si ce travail n’était pas justement le fruit de ceux qui conçoivent et vendent des “solutions”.
Verre à moitié vide, verre à moitié plein, à nous de choisir.
Quoi qu’il en soit, personne ne peut plus ignorer les remises en questions du management et des organisations actuelles. Il est urgent d’agir, en sortant des recettes toutes faites pour regarder la vérité en face : le contrôle ne rend pas les collaborateurs plus performants. La coopération, la dispute, la confiance, la régulation des pouvoirs et des contraintes sont par contre autant de sujets qu’il faut prendre au sérieux.
(*)Think Tank : groupe de réflexion
Article signé : Isabelle LE BIS
Déléguée Fédérale Santé au Travail